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Il y a bientôt un an ont eu lieu les massacres commis par le Hamas en Israël, aussitôt suivis de l’offensive de l’Etat hébreu sur Gaza. De nombreuses parutions marquent cet anniversaire.
« La Fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre », sous la direction de Bruno Karsenti, PUF, 216 p., 16 € (en librairie le 2 octobre).
L’onde de choc des massacres du 7 octobre va se poursuivre longtemps. Ses répercussions sur les juifs d’Europe et des Etats-Unis, et sur les relations entre Israël et Occident, font l’objet d’un intéressant volume collectif. Sous la direction du philosophe Bruno Karsenti, directeur d’études à l’EHESS, La Fin d’une illusion regroupe une sélection d’une quinzaine d’articles publiés depuis un an par la revue en ligne K. Fondée en 2020 par un groupe d’universitaires et de journalistes, avec Stéphane Bou pour rédacteur en chef, elle a pour vocation d’analyser la situation des juifs d’Europe depuis la Shoah. Le recueil est riche d’approches, de thèmes, de perspectives.
Il y est d’abord question des bouleversements enclenchés par cette attaque dans l’ensemble du monde juif. « Des juifs ont été exterminés en Israël », souligne Bruno Karsenti : l’Etat hébreu n’a pu empêcher ce pogrom, alors que sa raison première d’être est justement de constituer un rempart contre ces tueries qui ont hanté l’histoire juive depuis l’Antiquité jusqu’au XXe siècle. Les conséquences de cette situation interrogent notamment la mémoire de la Shoah, les relations entre les Israéliens et la diaspora, les manières d’envisager la guerre et la paix, à moyen comme à long terme. Sont évoqués également la résurgence de la haine des juifs au sein de la gauche intellectuelle (la sociologue Eva Illouz fustige les prises de position de Judith Butler) et le silence massif sur les viols comme arme de guerre perpétrés par les terroristes du Hamas (la philosophe Julia Christ souligne cette indifférence significative).
Faute de pouvoir tout signaler, une mention spéciale est à réserver à la contribution du linguiste et philosophe Jean-Claude Milner, qui traite de l’évolution des relations entre les Etats-Unis et Israël. Depuis un an, le soutien américain s’est fait de moins en moins inconditionnel. Pour comprendre cette évolution et sa portée, Milner avance une explication structurelle plus décisive que la figure-repoussoir de Nétanyahou. Ce qui est en jeu, dit-il, c’est la tension entre des conceptions antagonistes de la guerre et de la paix.
Depuis longtemps, la doctrine occidentale fait de la paix la situation normale des relations entre Etats. Si elle s’interrompt, il faut que la guerre soit brève et permette le retour rapide à un horizon pacifique durable. En revanche, on l’oublie trop souvent, il arrive, hors de l’Occident, que l’on considère la guerre comme l’état normal du monde, et la paix comme une pause momentanée, destinée à préparer de nouveaux assauts. Dans ce cadre, une série de questions travaillent souterrainement Américains et Européens, juifs et non-juifs, juifs israéliens et juifs de la diaspora : Israël est-il ou non, aujourd’hui, dans le camp occidental ? Doit-il l’être ou non ? Selon les réponses que l’on apporte à ces questions, on verra varier grandement l’avenir, y compris le sens de la solution à deux Etats. Un schéma lumineux, par un des grands intellectuels de l’époque. R.-P. D.
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